Si, au cours de l’Histoire, les femmes n’ont pas toujours été encouragées à devenir artistes, elles figurent néanmoins parmi les sujets de prédilection de l’art occidental, sous forme d’allégorie, d’icône religieuse ou de portrait. Cette tradition est visible dans la collection permanente du Musée des beaux-arts Beaverbrook, qui regorge de portraits réalisés au cours des siècles. Ce qui était l’une des caractéristiques majeures du legs de lord Beaverbrook demeure encore aujourd’hui au cœur des pratiques curatoriales du musée. L’exposition Icônes : portraits de femmes met à l’honneur une œuvre importante qui vient d’intégrer la collection permanente du Beaverbrook : le portrait de Gail Maurice, une actrice, productrice et écrivaine autochtone.
Gail Maurice (2020) fait partie de la série de tableaux Héros et héroïnes de Kent Monkman, qui met en vedette des personnalités autochtones sous un jour héroïque remettant en question la représentation traditionnelle de l’héroïsme dans l’art occidental. Cette série adopte un style historique grandiose pour hisser ses sujets autochtones et leur histoire dans les canons de la mémoire culturelle. Dans ce tableau, Gail Maurice est représentée sous les feux d’une grande scène – l’une des plus grandes qui soient : celle de l’opéra La Fenice, à Venise. Elle brandit un tambour et une baguette à la façon d’un héros guerrier de la peinture académique. Monkman explique que l’inspiration pour cette série lui est venue du regretté sénateur Murray Sinclair, qui encourageait les peuples autochtones à célébrer leurs propres héros et héroïnes plutôt que ceux des peuples colonisateurs.
Icônes : portraits de femmes comprend également une sélection de portraits de la collection d’œuvres canadiennes du musée, avec des toiles issues du legs inaugural de lord Beaverbrook signées JW Morrice, Henrietta Mabel May, Fred Varley, Fred Ross et Stanley Cosgrove. Des œuvres de Jack Humphrey, Ghitta Caiserman-Roth, Theodore Goodridge Roberts et Mary Pratt, ajoutées par la suite à la collection, côtoient un portrait signé Lilias Torrence Newton, sans doute la portraitiste la plus acclamée du Canada du milieu du XXe siècle, prêté au Beaverbrook pour cette exposition. Icônes : portraits de femmes comprend également trois nouveaux cadeaux promis de portraits par Stephen May, Glenn Priestley et Wally Dion.
Bien qu’aucune de ces femmes ne soit représentée en tant qu’héroïne traditionnelle emblématique, Gail Maurice et ses acolytes nous proposent une nouvelle manière de réfléchir à ce qui constitue une icône.
Ray Cronin
Directeur des expositions, des collections et des initiatives curatoriales